dimanche 27 avril 2008

Mémoires pour servir à l'Histoire du Jacobinisme

P. Fauche, Libraire, 1798-1799.

Auteur : Abbé [Augustin] Barruel

5 vol. in-8 de 437, 491, 435, 288 et 328 pp.
Un des livres majeurs de la doctrine contre-révolutionnaire.
"L'ouvrage est divisé en trois parties. La première traite de la conspiration antichrétienne, la deuxième de la conspiration contre les rois et la troisième de la conspiration des sophistes, de l'impiété et de l'anarchie, c'est à dire de la combinaison des deux premières conspirations". (Godechot, La Contre-Révolution, p. 52). Barruel y reprend les thèmes déjà développés dans ses ouvrages précédents mais leur donne plus de fermeté pour former une doctrine aboutie : la Révolution est le résultat d'une conspiration raisonnée depuis 1787 et organisée par les philosophes - Voltaire, d'Alembert et Frédéric II - et relayée par les francs-maçons. Il se prononce contre toute réforme et apparaît ainsi comme le maître de l'absolutisme intégral. A noter que son idée du complot maçonnique a fait école et demeure encore vivante aujourd'hui.

Mais qu'est-ce que le Jacobinisme ?
En France, la franc-maçonnerie semble avoir été introduite entre 1720 et 1730 par des jacobites (membres du parti légitimiste anglais qui, après la révolution de 1688, soutint d'abord la cause de Jacques II contre Guillaume de Nassau, puis celle des derniers Stuarts contre la Maison de Hanovre).
Peu à peu, l'influence des fondateurs de la Grande Loge d'Angleterre, libérale en matière religieuse, disparut et la franc-maçonnerie française prit un caractère anti-religieux qui lui valut d'être interdite par le pouvoir en 1736 et condamnée par l'Eglise en 1738.

Issu d'une famille authentiquement noble, Barruel fait ses humanités au collège de Tournon avant de devenir Jésuite en 1756. Après les années de formation spirituelle, il enseigne la grammaire au collège de Toulouse. C'est là, en 1764, que le surprend le décret de Louis XV expulsant les Jésuites du Royaume de France. Contraint à l'exil, il se rend d'abord en Pologne, puis en Bohême (maintenant Tchéquie), où il termine ses études de théologie et est ordonné prêtre à Chomutov en 1768. Il enseigne également en Moravie, puis revient en France comme précepteur privé d'une famille aristocratique slovaque. Il se trouve à Avignon lorsque la Compagnie de Jésus est supprimée par le pape Clément XIV en 1773.
Devenu abbé par la force du décret, Barruel survit comme précepteur et se met à écri
re. Il publie des vers en faveur de l'avènement de Louis XVI et collabore à L'Année Littéraire de Fréron, entre 1774 et 1884. En 1781, il publie, sous le titre d'Helviennes, des lettres contre les Encyclopédistes et la philosophie des Lumières. Il exerce sa verve de polémiste dans le Journal Ecclésiastique dont il est presque le seul rédacteur, entre 1788 et 1792. D'abord favorable aux idées démocratiques — il renonce volontairement à la particule nobiliaire —, sa vigoureuse opposition à la constitution civile du clergé le contraint finalement à s'exiler à Londres en 1792. Il a alors tout le loisir nécessaire pour écrire son Histoire du Clergé pendant la Révolution, parue en 1793, qui dénonce la persécution religieuse. Suivent ses Mémoires pour Servir à l'Histoire du Jacobinisme, parus en cinq volumes, entre 1798 et 1799, qui connaissent un vif succès et sont traduits en plusieurs langues.
Les Mémoires pour Servir à l'Histoire du Jacobinisme soutiennent que les Illuminati de Bavière, groupe fondé le 1er mai 1776 par Adam Weishaupt, voulaient infiltrer la Franc-Maçonnerie afin de renverser les pouvoirs en place, aussi bien politiques que religieux, dans le but d’asservir l'humanité. Cette thèse, qui veut que la Révolution Française résulte d'un complot fomenté contre l'Église et la royauté par les philosophes athées, les Francs-Maçons et les Illuminés, a connu une postérité considérable dans les milieux contre-révolutionnaires, d'autant plus qu'à la même époque, une thèse similaire avait été proposée par l'Écossais John Robison, qui suggérait que la Révolution Française avait été suscitée par l'action secrète de la Franc-Maçonnerie.
Rentré en France après le 18 Brumaire, Barruel ne reste pas inactif. En 1803, il publie une apologie du Concordat, du Pape et de ses droits religieux, qui lui vaut d'être nommé chanoine de la cathédrale de Paris par Napoléon. Cette lune de miel avec le pouvoir napoléonien ne dure pas. Il est emprisonné en 1811 pour avoir soutenu Pie VII, qui s'opposait à la nomination de Jean-Sifrein Maury comme archevêque de Paris. Après la restauration universelle de la Compagnie de Jésus par Pie VII en 1814, Barruel demande et obtient l'année suivante sa réadmission parmi les Jésuites. Il meurt à Paris, le 5 octobre 1820, à près de 80 ans.