mardi 17 juin 2008

Saint-Germain. Le Rose-Croix Immortel

Paris, Gallimard, 1934.

Auteurs : Jean Moura et Paul Louvet

In-8 de 222 pp.

Saint-Germain, personnage exceptionnel qui, amusé par les rumeurs, ne les a jamais démenties, reste dans l'histoire car il symbolise le plus vieux rêve de l'homme : l'immortalité.
Il était habillé de vêtements couverts de bijoux, n'absorbait que des pilules, du pain et du gruau et parlait et écrivait le grec, le latin, le sanscrit, l'arabe, le chinois, le français, l'allemand, l'anglais, l'italien, le portugais et l'espagnol. Il peignait délicatement et, virtuose au clavecin et au violon, il composait aussi de la musique. Il aurait été très versé en chimie et alchimie. Il aurait en effet accompli le Grand Œuvre alchimique qui apporte l'immortalité. On lui attribue d'ailleurs l'ouvrage d'alchimie La Très Sainte Trinosophie, mais cela n'est pas prouvé et souvent contesté. Il avait une grande passion pour les pierres précieuses, dont il avait toujours de grandes quantités, souvent d'une grosseur extraordinaire, et affirmait détenir un secret permettant de faire disparaître les défauts des diamants.
Il aurait eu le souvenir de ses vies antérieures et une sagesse correspondante, ou aurait disposé d'un élixir de longue-vie lui ayant donné une vie très longue et des souvenirs étonnants, de deux à quatre mille ans d'après lui, ce qui lui permettait de raconter les noces de Cana ou les intrigues de la cour de Babylone. Dans une lettre du 15 avril 1760 à Frédéric II, Voltaire disait de lui
C’est un homme qui ne meurt point, et qui sait tout.
et Frédéric II l'appelait «l'homme qui ne peut pas mourir». Selon Chamfort, si l’on demandait à son domestique : «Est-il vrai que votre maître a deux mille ans ?», l’homme répondait : «Je ne puis vous le dire : il n’y a que trois cents ans que je suis à son service.»
Le compositeur Rameau se souvenait d'avoir vu Saint-Germain en 1701. La comtesse de Cergy l'avait vu à Venise, où elle était ambassadrice 50 ans plus tôt. Il pouvait se rendre invisible et était aussi hypnotiseur, ce qui peut expliquer beaucoup de ces faits (à l'époque, l'hypnotisme était rattaché au somnambulisme et au «magnétisme»).
Ce sont en réalité les manières et l'originalité de Saint-Germain, et notamment sa façon de conter l'Histoire de France comme s'il en avait connu les protagonistes (François Ier et consorts), qui lui valent dans les années 1750 certaines faveurs auprès de quelques représentants de la cour, à commencer par Madame de Pompadour. Plusieurs extraits des Mémoires de Casanova corroboreront l'idée selon laquelle le Comte "témoignait" effectivement avec beaucoup de réalisme des époques les plus reculées (une anecdote est donnée dans laquelle le Comte laisse croire à sa présence au Concile de Trente). Saint-Germain est aussi présenté par Casanova comme "savant, [parlant] parfaitement la plupart des langues; grand musicien, grand chimiste, d'une figure agréable". Son intérêt pour la recherche de moyens propres à augmenter la durée de la vie humaine eut aussi pour effet d'augmenter les rumeurs courant déjà sur sa longévité supposée hors du commun.
Il convient aussi d'insister sur le rôle du comédien Gauve (alias "milord Gor", ou "Gower", ou "Qoys"), mentionné ci-dessus, se faisant passer pour le Comte dans les quartiers populaires de Paris, dans l'édification de la légende. Ce dernier, qui décrit avec force détails et persuasion de soi-disant entrevues avec le Christ et certaines figures de l'Antiquité chrétienne, contribue grandement à la naissance et à l'amplification de la rumeur d'immortalité. Jean-Pierre-Louis de Luchet, inventeur, dans ses Mémoires authentiques pour servir à l'histoire du Comte Cagliostro (Berlin, 1785), parle d'une rencontre aussi baroque que fantasmagorique entre Saint-Germain et Cagliostro, mentionne également ce lord Gor, ou Gauve, qu'il assimile abusivement au Comte.
Obligé de fuir la France en 1760 sous la pression de sombres affaires, ce dernier voyagea en Prusse, Russie, Italie, Angleterre, et Autriche (où on le vit souvent à Vienne, «quartier général des Rose-Croix») et échoua finalement à la cour du landgrave de Schleswig-Holstein, alchimiste fervent. Il serait mort subitement dans les bras de deux femmes de chambre, mais aurait reparu à Paris comme spectateur pendant la Révolution.
Des hypothèses ont circulé sur ses actions d'espionnage, mais au profit de qui ? Il aurait été au moins agent triple, tandis que diverses allégations rapportent son attachement au principe monarchique ou même à l'hégémonie allemande rosicrucienne.
Casanova a raconté son entrevue à La Haye avec le Comte, vêtu d'un costume d'Arménien, le même que l'on prêtait au Juif errant, autre incarnation du mythe de la longévité perpétuelle, mythe qui disparut incidemment au XVIIe siècle. Mais Casanova soupçonna le Comte de prestidigitation et d'imposture.
Goethe aurait été un de ses disciples. Napoléon III, initié aux Carbonari («maçonnerie» du bois) s'intéressa au Comte de Saint-Germain et chargea la police de rassembler aux Tuileries tous les indices possibles le concernant. Ce dossier aurait brûlé lors de l'incendie qui ravagea ce Palais parisien en 1871, ce qui fait qu'il ne reste presque plus aucune trace de l'identité réelle ou prétendue de Saint-Germain.
Plusieurs auteurs joueront assez vite un rôle dans la propagation d'une légende qui dépassera bien vite la réalité historique. Etteilla affirme notamment, lorsque les journaux annoncent la mort du Comte, qu'il y a eu confusion sur l'identité réelle du décédé, que le vrai Comte de Saint-Germain, son maître direct depuis vingt ans, vrai cabaliste et magicien hermétiste, auteur de L'Entrée au Palais Fermé du Roi (1645), est toujours en vie, habite en Amérique, et se porte à merveille .
Quelque assertions de l'abbé Barruel entretiendront par la suite la légende sur l'immortalité de Saint-Germain, après maîtrise de la métempsychose. Mademoiselle Lenormand n'accrédite pas moins l'idée de sa survivance durant le Premier Empire, et le baron de Gleichen, en ses Souvenirs (Denwürdigkeiten, 1847), défendra l'idée d'un comte de Saint-Germain ayant vécu depuis l'Antiquité.
Le comte de Saint-Germain inspira par la suite de nombreuses œuvres de fiction jusqu'à l'époque contemporaine, et devint aussi une figure importante au sein de la Société théosophique où l'on finit par le considérer, entre autres, suite à une vision de la médium Annie Besant, comme la réincarnation de Christian Rosenkreutz et de Francis Bacon.
(d’après Wikipedia)