dimanche 12 octobre 2008

A l'Ombre des Monastères Thibétains

Préface de Maurice Magre.

Paris et Neufchâtel, Editions Victor Attinger, 1929.

Auteur : Jean Marquès-Rivière [Jean-Marie Rivière]

In-8 de 197 pp. Une photo d'une assemblée de lama à Chang Hou en frontispice. Notre exemplaire est dédicacé au Dr Philippe Encausse, fils de Papus.

L'on parle moins, aujourd'hui, d’une étrange société secrète, la Synarchie, qui allait apparaître entre les deux guerres, et faire couler beaucoup d’encre.
La Synarchie est un courant de pensée qui trouve ses racines dans la mystique d’Alexandre Saint-Yves, marquis d’Alveydre, qui faisait notamment allusion à une mystérieuse Grande Loge, l’Aggartha, qu’il situait quelque part dans l’Himalaya. Lui-même aurait été porte-parole de ce groupe d’initiés dont les membres, des êtres surnaturels et immortels, veilleraient sur la destinée de l’humanité, lui envoyant de temps à autre des messies.
Ce courant de pensée, très en vogue dans les milieux de l'entre-deux-guerres alliés à certaines sociétés secrètes (l’Ordre Martiniste et la Franc-Maçonnerie "égyptienne", notamment) se développa au sein des grandes écoles. Ses partisans rêvaient d’exercer le pouvoir au nom de leurs compétences techniques et sous l’autorité politique d’un "collège de grands initiés" qui, ignorant la lutte des classes, transcenderait le clivage droite-gauche. Ils multiplièrent les groupes de réflexion, dont le plus significatif fut, en 1931, le groupe X-Crise créé à l’initiative d’un certain Jean Coutrot.
C’est au sein de ce groupe que des polytechniciens pensèrent une économie planifiée pour répondre à la crise de 1929. Sa politique s'articulait autour d'un Pacte et d'une règle en 13 points. L'impétrant devait signer un engagement sans équivoque.
Sous Philippe Pétain, les partisans de la Synarchie justifièrent de la "nécessaire continuité de l’État" pour poursuivre leur carrière et préserver les intérêts de puissants trusts, dont la banque Worms. S’adaptant au pouvoir personnel du maréchal, ils abandonnèrent toute référence à un "collège de Sages" pour se cantonner à la défense de leur corporation. A Vichy, les factions rivales de l’État français s’accusèrent mutuellement de complot synarchique.
Le 17 novembre 1941, le maréchal institua une Fondation Française pour l’Etude des Problèmes Humains, dont le prix Nobel de médecine, Alexis Carrel, fut le régent. Cette institution synarchique fut animée notamment par Alfred Sauvy, président de l’Alliance Population et Avenir, et par Gustave Thibon. Elle ambitionnait d’inventer une "anthropotechnie".
A la Libération, ce courant de pensée, s’épurant de toute référence à l’État français, s’investit dans la création de l’ENA et du Commissariat au Plan.
La Synarchie peut apparaître, aux yeux de certains, comme l'appareil structuré du mouvement mondialiste. Créée en 1921 pour faire pièce à la Révolution Bolchevique, elle s'est développée en 1930 en Mouvement X-Crise (X comme Polytechnique, Crise comme 1929), s'installe au pouvoir dès juin 1940 au sein de l'Etat français, puis, en dépit de ses compromissions avec le projet européen de l'Allemagne, renaît à la Libération avec différents schémas fédéralistes et débouche sur les plans Monnet et Schumann, la tentative avortée de la CED (Communauté Européenne de Défense) et, enfin, l'Europe de Maastricht.
Peut-être ces différents éléments peuvent-ils expliquer pourquoi Jean-Marquès Rivière, qui se compromettra avec Vichy pour organiser la traque des Francs-Maçons, devint, à un moment de sa vie, un spécialiste du Thibet.